A partir du 29 aout 1939 au 31 juillet 1941, la propriété est réquisitionnée: d’abord par l’État Français d’aout 1939 à juin 1940, puis par l’armée allemande de juin 1940 au 31 juillet 1941.
Par un courrier du 19 septembre 1941, Marcel de Bernard de la Fosse, propriétaire du château, adresse au président de la Commission d’évaluation des réquisitions:
« Réquisition des Brétignolles :
1° Depuis le 29 août 1939, j’ai été dépossédé de l’usufruit de ma propriété par voie de réquisition par l’État Français. […] L’occupation effective fut immédiate. Dès cette date, les allées et venues incessantes, la direction des Postes fit installer dix lignes chez moi, plantant des poteaux dans mon parc, perçant mes murs, installant un standard téléphonique à l’intérieur du château. Des canalisations furent installées dans les appartements, des
hommes brisèrent même par accident mon plus précieux vase de Chine.
Le Chef du Ministère de la santé publique m’obligea à bouleverser complètement mon installation et m’avisa de ce que dans les quarante-huit heures, je devais, ainsi que ma famille, quitter le château. Nous obtînmes par la suite un léger adoucissement à cette décision et tout au moins un sursis, grâce à l’intervention de Monsieur le Préfet d’Indre-et-Loire. Mais nous fûmes avisés que cette autorisation était toute conditionnelle et précaire et qu’il nous était désormais interdit de loger qui que ce soit dans notre château, même temporairement.
En juin 1940, le Ministère de la Santé publique logeait aux Brétignolles, avec tous ses chefs de cabinet. Le 14 juin, le Ministre quittant brusquement le château notifia par lettres en trois exemplaires […] qu’il entendait malgré le repli du Gouvernement conserver la disposition des locaux qui lui avaient réservés au château des Brétignolles […].
Les membres du Gouvernement français m’enlevant la possibilité de résider chez moi avec mes parents et associés ont brusquement quitté le château sans personne pour en assurer la garde, c’est ce qui a causé le désastre actuel.
2° Réquisition allemande : c’est dans de telles conditions qu’arrivèrent le 21 juin 1940 les troupes allemandes. Dès le 28 juillet des meubles furent emportés par camions entiers. Actuellement, tout le précieux contenu du château est parti, brisé, de nombreux objets d’art ont disparu […].
Cet hiver, les troupes d’occupation usèrent maladroitement de l’installation d’eau et de la cuve du château qui est installée au sommet d’une tour, cette cuve contient 6000 litres d’eau et correspond avec les logements d’habitation des communs. Les Allemands ont oublié de fermer une vanne et inondé complètement la maison des communs pendant des semaines,
des dizaines de milliers de litres d’eau passant au travers des plafonds, des planchers, et des murs ont tout perdu.
Un autre fait… Les troupes allemandes ont, par ordre donné au Maire d’Anché, réquisitionné six tombereaux, leurs attelages et conducteurs vers le 20 janvier 1940. Les autorités occupantes ont fait enlever sur une grande longueur les importants chapeaux de murs de clôture de mon parc pour empierrer les chemins, vouant ainsi mes murs (qui sont comme dans tout le Chinonais jointés à la terre) à une destruction complète et rapide dès que viendra la saison des pluies.
Les troupes allemandes ont pris possession de tout notre linge, d’une beauté inestimable. […] Une grande partie de mon linge fut emportée par les troupes allemandes au château du Coudray-Montpensier, commune de Seuilly, où la Kreiskommandantur m’a autorisé à aller m’enquérir. Le gardien du château m’a dit que mon linge avait été utilisé l’hiver dernier par les troupes mais qu’hélas ! lorsqu’il était sale on le brûlait dans la chaudière. Un magnifique tapis d’Aubusson, très fragile, a été cloué sur le plancher de la salle à manger. Il y a quelque temps un poulain et une chèvre ont été, m’a-t-on affirmé, amené dans cette pièce. Le plancher a cédé. On a renversé des plats de graisse entiers sur ce tapis qui est actuellement percé par les bottes de nos hôtes…
Un grand chien de chasse couche en permanence sur le seul canapé de tapisserie qui reste au château. Il y a un tracé de grands cernes noirs et l’on ne voit même plus le coloris des 32 fleurs. Mes plus jolis services de porcelaine servent de vaisselle ordinaire, et sont brisés ou ébréchés ainsi que tous mes cristaux anciens. Plus trace de mes plateaux et plats d’argent ni de mes services à thé en argent.
Le beau parquet de chêne ancien de la chambre de la Comtesse de Bernard a été passé à l’huile de vidange de moteur. Toutes les canalisations électriques ont été arrachées, des fils souples non isolés fixés sur des boiseries, risquant de provoquer à bref délai un incendie.
Toutes les portes, les meubles ont été fracturés, les marbres brisés. Une auto a été volée une autre entièrement brisée. Tout est dévasté, pillé, l’épreuve est terrible. Tous nos plus chers et lointains souvenirs sont dispersés et détruits… »